Voici les défis -ou poignées- que nous vous proposons d’agripper comme autant de "biais de représentation" de nos réalités territoriales... mais aussi de leviers de la transformation ! D’abord conçus pour notre événement collectif, ils resteront un espace de recherche. [1]
Ils interrogent le lien entre représentations du monde et transitions : Comment enrichir nos outils et modalités d’accès à la réalité ? Comment renouveler la fabrique des récits/langages communs ? Comment accompagner des changements radicaux, humains et sensibles localement, systémiques et responsables globalement ?
4 défis peuvent être vus comme des freins à la représentation "apprenante" du monde :
- la culture et la déconnexion des liens
- les outils / lunettes de perception et représentations du réel
- les méthodes de vérification et classement de la "vérité"
- les facteurs limitants individuels et humains
et 2 des leviers d’accompagnement au changement et à la projection vers des futurs désirables :
- la gestion du temps et de l’attention
- la résonance, l’optimisme et l’émergence de nouveaux modèles
Pour télécharger les posters en pdf (pour les exercices de mise en pratique nous contacter) :
Pour aller plus loin voir aussi : Qu’est ce que le réel ? Rendez-vous avec la veille !
Tous les modèles sont faux, mais certains sont utiles [2]
Vivre ensemble, aménager le territoire, produire, consommer, interagir via des services relève plus que jamais d’imbrications multiples -et réelles- dont chacun ne voit qu’une infime partie.
Le photographe https://www.antoinerepesse.com/ rends visible 4 années de déchets dans leur environnement de consommation courante
La crise du covid a contribué à révéler les interdépendances de nos modes de vie et les zones de tensions accentuées par des déstabilisations rapides.
Nos représentations du monde sont bien sûr réductrices car elles dépendent du point de vue de chaque partie prenante, de l’endroit, de la manière et de l’intérêt avec lequel nous observons et représentons ce qui nous entoure.
La carte n’est pas le territoire : la métaphore de l’éléphant et des 6 hommes aveugles est utilisée classiquement pour illustrer le traitement disjoins d’une même crise sociale, écologique et économique. Source : CCBySa
Ce sont donc des expériences et modalités différentes que chaque organisation et individu mobilise pour construire ses modèles mentaux :
- la perception du réel par les lunettes et outils technologiques dont il dispose (cartes, langage, dispositifs numériques...) classiquement contrôlés de manière globale... mais parfois facilitateurs d’expressions de contre-cultures locales
- les interactions sociales et culturelles appuyées sur des croyances partagées, des "conventions", lois ou systèmes représentatifs
- l’objectivation de la connaissance grâce au passage à l’action et l’évaluation, relatives à l’épistémologie et au doute scientifiques
- l’expérience individuelle cogntivie mais aussi sensorielle, sensible, spirituelle... et à postériori garantes du sens, de la mise en récit ou de la rationalisation [3]
Le grand paradoxe : à une époque où les interdépendances et la complexité augmentent vertigineusement, plusieurs héritages de la smart-city et de la société de service contribuent encore à mettre la réalité à distance ou simplifier les récits.
Acheter en un clic sans la vision des externalités, se déplacer via le trajet le plus court en faisant abstraction du milieu, proposer une décision sur des critères purement économiques et rationnels relève d’un socle de croyances d’abondance matérielle ou de performance compétitive participant de la grande déconnexion, objectivée entre les humains entre eux et avec le monde, et le vivant en particulier.
Les trois grandes déconnexions conceptualisées par Otto Scharmer MIT - Source https://www.u-school.org/
Même si comme le rappelle le Clemi avec son exposition Mauvaises nouvelles, la simplification ou la manipulation sont des pratiques sociales anciennes, persistent des enjeux d’égalité et de pouvoir derrière de telles déconnexions. Datactivist illustre ainsi remarquablement comment la dissymétrie de maîtrise des techniques de persuation, peut procéder de la manipulation des données, ou une maîtrise poussée au contraire déjouer les approximations.
Au sein de l’espace public, cette guerre et la dissonance des récits sont peu propices à l’harmonisation du réel, du sens collectif et au changement : l’exemple de la mobilité montre à quel point en 2024 coexiste dans l’espace public des messages publicitaires au service d’une poursuite d’un cycle de consommation/production automobile expansif, des propositions de déplacements mutualisés ou compensés et des incitations à la sobriété ou aux modes doux appuyés sur des rapports scientifiques tendant vers la post croissance. Émerge alors le besoin de facilitateurs et tiers de confiances, c’est la vocation d’une agence publique des mobilités.
Au final, il existe bien une dynamique d’influence mutuelle entre les systèmes techniques que nous concevons et déterminent notre perception de l’espace et du temps, et l’usage que l’on croit (devoir) en faire induisant des outils et méthodes compatibles. L’usage d’un GPS proposant le trajet le plus court pour aller le plus loin possible profite donc au maintien d’un système routier performant dans son ensemble et aux modèles mentaux de liberté, modernité, distance et vitesse, les choix d’une époque. Ces sont ces mêmes leviers qui peuvent être mobilisés par inversion pour de nouveaux imaginaires du futur [4]
Source : https://www.systemsinnovation.network
Si l’écart entre conscience et action ("knowing-doing gap") est souvent cité comme un facteur individuel de blocage, il ne faut pas oublier la résistance d’enjeux systémiques au changement et le pouvoir des modèles mentaux et de nos représentations pour transformer par viralité les systèmes en crise. Quelques pistes inspirantes :
- activer des groupes de personnes autour d’expériences collectives qui incitent au dialogue et à l’échange continu et permettent de sortir de la figure du héros isolé à l’instar de la proposition de https://www.theweek.ooo/
- développer de nouveaux paradigmes de la représentation de l’habitabilité du territoire, nommées “cosmographies” [5] qui d’après Maxime Blondeau sont encore ancrées dans l’ère néolitihique au regard de la domination du vivant et de l’exploitation des milieux.
- allouer du temps et de l’attention à ce qui résonne avec le territoire ou le changement comme le suggèrent à leur manière Harmut Rosa ou Otto Scharmer. Quel est votre attracteur étrange du changement aurait dit Bruno Marion ?
- travailler la question de l’équilibre, de l’hybridation et de la non "cohérence" exclusive de nos démarches qui disait Bruno Latour "n’ont jamais été modernes" par leurs segmentations [6]
- Résister par la pensée complexe au réductionnisme du matériel et de la connaissance, comme le suggère encore dans ses récentes tribunes d’Edgar Morin. Dans adieu au Langage, Godard ne se demandait il pas si de "la non pensée pouvait contaminer la pensée ?"
- témoigner par l’art d’un optimisme critique du passage entre sensible et local, présent et futur [7]
Donella Meadows co-autrice du rapport "Le limites à la croissance" et vulgarisatrice de l’approche systémique donne à voir 12 leviers pour enclencher le changement, les “modèles mentaux” étant les plus puissants en synchronisation avec tous les autres pour une culture d’action globale
En tant qu’acteur public, l’enjeu de décryptage et de médiation du réel dans sa nuance est multiple :
- agir sur les poly-crises en prenant en compte les imbrications du local au global
- accompagner la transformation en alliant des leviers techniques et comportementaux
- donner à voir la "dynamique" temporelle des changements depuis les tendances émergentes jusqu’à la mise en récits de scénarios du futurs
- redonner en même temps de la responsabilité, du pouvoir et de l’optimisme à agir dans le vivre ensemble [8]