Description :
La table Claudienne est la pièce majeure du Musée Gallo-Romain de Fourvière. C’est une pièce en bronze représentant un discours de l’empereur Claude, élevant les droits des gaulois et étrangers de la cité au rang de citoyens romains pouvant même accéder à la fonction de sénateur.
Mais son apparence se limite à un grand morceau de métal avec un texte latin gravé, dont on ne saisit pas l’importance politique et historique sans explications.
Scriptomix interpèle le visiteur en habillant la table d’un mouvement lumineux projeté dessus. Et lorsque le visiteur se rapproche de la pièce, la lumière fait place à la projection de portraits de personnes historiques célèbres pour leurs propres propos d’intégration politique (Martin Luther King, Voltaire ...). En se rapprochant de la table, il remonte le temps, et quand il est suffisamment près de celle-ci, l’empereur Claude est le dernier visage à apparaitre, puis le texte de la table est lu en latin (le son s’échappe de la bouche d’une sculpture placée à gauche de la table) tandis que la traduction française est projeté sur la table.
- Table Claudienne photo de Quentin Chevrier
Un dispositif complémentaire, la scriptobox, était à proximité : il s’agit d’un réseau wifi donnant accès à un site web avec des textes en téléchargement et avec la possibilité ultérieure de contribuer. Ce dispositif utilise le système de réseau wifi / site web embarqué que propose la société Audiovisit.
Retours :
La scriptobox n’était pas mise en valeur par la signalétique et donc souffrait de la compétition d’une installation très visuelle et interactive qui captait l’attention du visiteur. Elle n’était donc pas dans de bonnes conditions pour être expérimentée. C’est un projet divergent du reste de la proposition de l’équipe, qui mériterait d’être traité à part et plutôt à proximité d’un espace de repos (zone extérieure avec belle vue, cafétéria, accueil ...). Il est donc difficile d’en tirer des conclusion, sinon que pour un système en ligne destiné aux portables des visiteurs, il faut investir 90 % de l’effort dans la communication, la signalétique et une information claire de l’expérience proposée.
Pour ce qui est du reste du dispositif, il présente un effet esthétique très avantageux : la table claudienne ressort avec des teintes cuivrées qui la mettent vraiment en valeur. L’équipe a fait un vrai travail graphique sur la projection des visages de personnages célèbres.
Toutefois, il a fallut que le développeur reviennent deux fois pour que le dispositif commence à fonctionner. Comme pour le dispositif « fenêtre sur le passé », il faut que l’interaction soit très fluide et très bien pensée pour être comprise et agréable pour le visiteur. On doit faire des réglages très fins pour que les contenus se déclenchent à la bonne distance, au bon moment pour le visiteur, et avant que son attention ne soit pris par autre chose.
Les visiteurs avaient souvent du mal à comprendre l’expérience qui leur était proposée et encore plus le sens de celle-ci. C’était essentiellement du à des problèmes de délais dans l’interaction et à l’activité multi-utilisateur.
Le dispositif numérique étant ajouté à la scénographie originale sans que des modifications aient été apportées à celle-ci, la présence d’un cartel de présentation de la table, situé dans le champs de capture de la kinect, attirait également le visiteur, perturbant ainsi son expérience interactive.
« Ben ça anime la table, c’est interactif. Au début je croyais que c’était avec notre présence, donc j’essayais de bouger. (rire) Normalement ça bouge avec le mouvement ? » (#20 – Etudiante, 25 ans, entre amies, tourisme)
“il y avait des inscriptions sur la table claudienne, et il y avait bien un numéro et une indication comme quoi c’est bien un module muséomix, par contre il n’y avait de mode d’emploi de l’interaction. On sait pas si ça va se déclencher tout seul ou si ça va pas se déclencher. ... je suis restée 30 secondes à regarder autour de moi et attendre.” (#31 – scénographe culturelle, 30 ans)
Il faut faire comprendre au visiteur que c’est lui qui interagit : or dans le cas de Scriptomix soit le visiteur n’est pas tourné vers la table (et ne perçoit pas l’interaction) soit il marche vers la table et découvre le contenu mais ne comprend pas qu’il interagit avec (pour qu’il perçoive cela, il faut que le visiteur s’arrête, reparte en arrière, ce qu’il ne fait pas). Donc la perception de l’interaction est faible pour le visiteur.
Il faut ensuite régler l’ergonomie de lecture. La distance d’interaction étant relativement faible (une 20 aine de mètres), on passe très rapidement d’un contenu à un autre en ayant parfois du mal à les lire et à comprendre ce qui nous est proposé. Un réglage très fin doit être mené pour que le contenu défile au bon moment suivant la posture du visiteur.
Enfin il reste à traiter le cas de l’interaction multiple : quand plusieurs personnes interagissent, seule la plus proche est prise en compte. L’interaction est donc mono-utilisateur.
Opportunité de la culture numérique pour la diffusion de la culture scientifique et technique : retours de Museomix 2012 23
Au final, on peut penser qu’un simple capteur de présence déclenchant un contenu précalculé serait aussi efficace que le système interactif basé sur une kinect et le déplacement du visiteur.
Cela n’enlève rien à l’apport esthétique, à la perception nouvelle de l’oeuvre que le dispositif apporte. Même si le visiteur ne comprend pas immédiatement le propos complet et doit pour cela lire un cartel complémentaire, les tables claudiennes sont magnifiées, prennent un autre statut et des liens avec d’autres périodes et personnages de l’histoire sont évoqués et ouvrent la curiosité et l’imaginaire du public. Cela ne questionne que l’intérêt d’un système de capture de mouvement complexe.
15-25 ans :
Le public jeune, s’il ne perçoit pas plus que les autres l’interaction en raison des limites déjà évoquées, est sensible au discours (relation contemporaine) et à la matière qu’offre la projection sur la table. Souvent en groupe et accompagné de médiateurs, il a cependant peu été confronté à l’installation en raison de la nécessité pour ces derniers d’éteindre la projection afin de montrer l’objet « originel », adapté à leur discours de médiation. Cette possibilité de « débrayer » le dispositif est en discussion. Une adaptation du discours de médiation, intégrant la projection interactive, serait aussi nécessaire.
Les retours d’expérience illustrent une forme de réception ambivalente : le système d’éclairage et d’interface attire le regard et suscite l’intérêt des jeunes visiteurs mais certains émettent quelques critiques relatives à la projection d’images sur la stèle qui fait « écran » et empêche d’accéder à l’objet original.
« Moi j’ai bien aimé les tables claudiennes. Même si la lumière... du coup, la table ne ressortait pas en tant qu’objet. C’est un soucis. La remise en contexte et les discours c’est bien. (...) le discours en latin et la traduction écrite, j’aime bien l’idée. »
« Après l’interaction... le fait d’avancer. Enfin moi j’aurais plus fait un truc tournant qui se remet à chaque fois en fait. » (6 – Etudiants, en groupe, Master patrimoines)
Culture scientifique et technique :
Il y a un parallèle formel fort entre ce dispositif et strory stele in : les deux sont des projections sur un objet portant uniquement du texte. Néanmoins le moteur est très différent : pour la stèle il s’agissait de raconter autrement et de manière plus accessible une histoire, ici l’objectif est de mettre en avant la valeur symbolique de cet objet en le reliant à d’autres évènements historiques (des discours célèbres) plus proches, chargés d’émotions et plus en lien avec notre culture actuelle (Martin Luther King nous parle plus que l’empereur Claude).
Il peut y avoir là une piste d’inculturation à suivre : rechercher chez le visiteur un écho à un propos en s’appuyant sur des correspondances culturelles. Il y a là un pouvoir d’interpellation qui vise à rejoindre le visiteur dans sa construction culturelle propre. Son efficacité véritable reste à vérifier.