Notre alimentation dépend de l’énergie fournie par le soleil. De la chaleur et de la lumière directement issues de son rayonnement à son influence sur le cycle de l’eau, de la photosynthèse au mouvement des vents, l’énergie solaire est la source primordiale à l’origine de toutes les autres.
Et si nous payions nos aliments à leur coût réel ? La sol est une monnaie indexée sur le soleil : elle permet de régler ses achats alimentaires en fonction de la quantité d’énergie mobilisée pour les produire et des effets de leur production sur les écosystèmes. En mesurant des coûts habituellement cachés (pollution, raréfaction des ressources, maladies, etc.), la sol favorise une agriculture respectueuse de l’environnement et une alimentation saine pour chacun·e.
Cadre et enjeux
Contexte
La sol permet d’expérimenter un modèle économique radical, dans lequel le métabolisme humain et les besoins en énergie du mode de vie moderne sont évalués en fonction de leur consommation d’énergie solaire transformée par la biosphère. En quoi ce modèle est-il révolutionnaire ? Il permet de questionner ce qui a vraiment de la valeur et de mettre en lumière tous les effets négatifs du système agro-alimentaire actuel, de plus en plus déconnecté des systèmes naturels dont il dépend pourtant et qu’il épuise.
Des tomates en hiver ? Pas de problème ! Du café ghanéen ou colombien tous les matins ? Et pourquoi pas ? Les paradigmes de la mondialisation et de la croissance économique ont ouvert une infinité de possibilités… sans prendre en compte les limites de la planète Terre. L’économie libérale classique omet de compter tout un ensemble de facteurs dans son mode de calcul des prix. Or, tout ce qui n’est pas compté ne compte pas : les conséquences environnementales, sociales et sanitaires de l’agro-business sont actuellement invisibilisées dans la comptabilité. Dans ce cadre, comment calculer le coût réel des aliments afin de mettre en place un système alimentaire durable, qui préserve la santé de l’environnement et des humains, tout en proposant des produits savoureux ?
Le projet sol → la monnaie solaire adresse plusieurs enjeux :
- envisager nos modes de vie à l’aune de l’énergie solaire
- repenser la valeur en terme non monétaire
- calculer les produits alimentaires à leur coût réel (énergétique, environnemental, humain)
- promouvoir et assurer une alimentation saine et savoureuse, respectueuse de l’environnement
Bénéficiaires
Le projet s’adresse à :
- toustes les mangeur·euses, qu’iels soient omnivores, locavores, herbivores, détritivores, énergivores…
- toustes les producteur·ices, qu’iels soient maraicher·es, éleveur·euses, boulanger·es, grossistes, fromager·es…
- toustes les autres acteur·ices des territoires : collectivités, associations, entreprises….
Biais de représentation et nouveau langage
Le système économique actuel nous propose un récit centré sur l’efficacité, l’optimisation volumique de la production, la croissance illimitée tout en invisibilisant sa dépendance profonde à des ressources finies et ses effets néfastes sur la santé humaine et environnementale.
La monnaie que nous manipulons au quotidien dans sa forme physique ou numérique est le vecteur de ces invisibilisations. La monnaie solaire propose un nouveau récit où la création de valeur est directement indexée sur une valeur physique, réelle : l’énergie solaire reçue. Le soleil est sans aucun doute le symbole le plus universel qui soit, représenté dans toutes les mythologies. Il éclaire chaque être vivant, est la source de toute vie et donc de toute notre nourriture. Développer la monnaie solaire, c’est porter le récit d’une alimentation universelle, équitable, harmonieuse et saine.
Le projet
Le projet vous propose de découvrir un présent alternatif... que vous allez pouvoir explorer dans la suite de cet article.
Nouvel·le arrivant·e dans la biorégion Monts du Lyonnais-Beaujolais, vivez l’expérience de la sol, la monnaie solaire locale ! Cette monnaie a été déployée en 2019 et est aujourd’hui (en 2024) la seule valeur d’échange pour tous les produits alimentaires sur la biorégion.
- Après avoir reçu vos premières sols, vous êtes invité·e à venir les dépenser dans la boulangerie “La mie du pôle”.
- Le ou la boulanger·e vous demande ce que vous souhaitez, puis vous indique le prix en sol. Se rendant compte que vous êtes décontenancé·e, iel demande si vous êtes un·e nouvel·le habitant·e de la région et vous explique le principe de base de la sol : il s’agit d’une monnaie utilisée ici pour tous les produits alimentaires. Vous payez avec les sols que vous avez reçus dans votre kit de bienvenue et prenez votre pain.
- Un·e habitant·e qui prend son café vous explique ce que la mise en place de la sol a changé pour elle, en tant que citoyen·ne de la biorégion : alors qu’autrefois les produits bio étaient bien souvent hors de prix, iel peut à présent s’acheter des aliments de qualité à un prix très raisonnable. Et pour les aliments qui le sont moins (son café notamment), il faut trouver un équilibre, ou bien donner de son temps pour participer aux activités agricoles.
- Le ou la boulanger·e vous parle de son expérience en tant qu’acteur·ice de l’alimentation, de son circuit de production, de son ami meunier, de la répartition du prix de son pain par rapport à un pain industriel…
- Iel vous indique également que vous tombez bien, un stand est présent en ce moment dans la boulangerie pour célébrer les 5 ans de la sol : outre acheter un pain délicieux, vous pourrez discuter des grands principes, de la mise en place et du futur de cette monnaie avec un·e médiateur·ice de la métropole de Lyon.
- On vous propose ensuite de rejoindre un·e journaliste présent·e pour l’événement devant la boulangerie afin de partager votre expérience, poser vos questions et faire part de suggestions pour le futur de la monnaie.
Principes de fonctionnement de la monnaie (vision globale)
La monnaie sol est basée sur l’énergie solaire reçue. 1 sol correspond à quelques milliards de Joules solaires. Le coût des aliments correspond alors à l’énergie solaire mobilisée pour les produire.
Quelques exemples pour illustrer ces nouveaux ordres de grandeur :
Le coût de production des aliments est construit à partir de deux données essentielles :
- l’emergy, ou mémoire de l’énergie qui représente le coût énergétique solaire nécessaire à la production de tout élément. L’emergy est mesurée dans des travaux de recherche émergents.
- les couts cachés évalués par l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation, mesurés en pourcentage de la valeur produite en sol.
Chaque habitant·e reçoit la même quantité de sol dans la biorégion : 355 sol par mois pour un adulte, correspondant à l’ensoleillement équitablement réparti entre toutes et tous. Certains produits deviennent ainsi très accessibles, proches de la gratuité (céréales, légumineuses, fruits et légumes, produits peu transformés…) tandis que d’autres deviennent des produits festifs que chacun ne peut consommer qu’occasionnellement (produits transformés, viandes rouges, sucre…).
Dans la boulangerie sont disposées différentes visualisations et panneaux d’informations. On y découvre par exemple le circuit de production du pain et la répartition des gains entre les producteur·ices :
La sol assure une répartition équitable entre les producteur·ices et distributeur·ices, favorisant les pratiques peu consommatrices d’énergie (peu mécanisées, avec peu d’intrants…). Pour illustrer ce point une dataphysicalisation est exposée :
Ainsi le pain bio a un prix très proche du pain pétrochimique. Mais les coûts sont répartis de manière très différente : dans le cas du pain bio, plus des 2/3 du prix reviennent aux producteur·ices, contre moins de la moitié dans le pain pétrochimique. Le pain pétrochimique intègre en sol des nombreux coûts habituellement cachés et non pris en compte : coût sanitaire, coût climatique… Ces coûts cachés sont estimés à plus de 177 milliards d’euros par an en France (source Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation : https://www.fao.org/interactive/state-of-food-agriculture/fr/). La sol prend donc non seulement en compte le coût énergétique solaire mais aussi les coûts cachés des impacts de production à court et long termes.
Cela n’empêche pas d’acheter à prix raisonné une baguette et un sandwich parmi la carte de la boulangerie !
De plus, sur les étiquette de prix des produits est apposé un sol-score qui permet aux citoyen·nes de mieux décrypter le processus de production des aliments et de mesurer leur coût réel exprimé en sol.
Le ou la médiateur·ice sol vous reprend au sortir de la boulangerie : la monnaie fête ses 5 ans, déjà !
C’est l’occasion de revenir sur son émergence et son mode de fonctionnement.
Mais surtout la sol a été imaginée par et pour les habitant·es de la biorégion ! Il est donc temps de donner votre avis sur cette monnaie pour la faire évoluer pour les 5 prochaines années !
Voici un recueil de remarques :
- “[…] j’aime beaucoup l’idée que ça met en lumière ce qu’il se passe pour amener ce produit sur la table. Et c’est vrai que j’aime beaucoup ce fait d’avoir plus d’informations et du coup de faire des achats plus informés quoi.”
- “Ça serait hyper intéressant de se l’approprier au quotidien justement pour reprendre une emprise sur la véritable valeur que l’on consomme, ça c’est super intéressant. Après, ça me pose des questions de faisabilité et de comment ça s’intègre dans notre quotidien quoi. […] Je demande à voir.”
- “Moi la réflexion que j’ai sur l’agriculteur, c’est que l’agriculteur a des investissement autre que le fait d’utiliser de l’eau, utiliser des engrais et des choses comme ça. C’est qu’il a des matériels qui coûtent des dizaines et des centaines de milliers d’euros. Et comment accompagner cette transition là ?”
- “Ce que je trouve cool justement, c’est que ce soit dédié qu’à la nourriture et du coup ça évite les excès du coup ça nous force pas, ça nous induit à aller manger, mieux manger, manger moins de viande et du coup je trouve ça bien.”
Pour lire ou écouter les témoignages plus en détails, voir la page dédiée : Podcasts et retours
Comment ça marche ?
Expérience théâtrale et immersive → 4 médiacteur·ices : un·e boulanger·e, un·e habitant·e, un·e agent·e de la métropole, un·e podcasteur·ice, dans un espace clos, mis en scène comme une boulangerie.
Temporalité : 10 min.
Outils physiques : un comptoir, une table mange-debout, un tabouret haut, une carriole, des outils de prise audio, des pochoirs et des pastels gras blancs pour colorier le logo correspondant à notre charte graphique sur le comptoir.
Outils infographiques : datavisualisations et autres visuels graphiques présentés avant (sources disponibles ci-dessous)
Ce dispositif peut aussi être condensé, en enlevant la partie boulangerie, et en gardant seulement les différentes infographies permettant d’immerger les visiteur·euses dans ce monde alternatif ou la sol serait devenue la nouvelle monnaie alimentaire depuis 5 ans.
Indicateurs du changement
Notre projet cherche à questionner les visiteur·euses sur trois points :
- réfléchir à leur rapport à l’argent en changeant de référentiel monétaire
- se rendre compte de l’impact environnemental (coûts sanitaires, climatiques, sociaux, etc.) de l’alimentation
- considérer l’alimentation comme un bien commun
Ce nouveau référentiel cherche à créer un monde plus égalitaire, dans lequel l’alimentation de qualité serait accessible à toustes indépendamment de leur budget.
Équipe
Porteurs/Partenaires
- Disnovation : Nicolas Maigret
- Disnovation / Médialab Science Po / Editions 369 : Clémence Seurat
- Où sont les dragons ? : Diane Beaulieu
- Exo-dev : Natacha Salmeron, Julie Codina
- Radio Vino : Julien Gangand
Membres
- Ecole Supérieure de design de Villefontaine : Isaure Jorrand, Adèle Laurent, Julie Macé, Lise Zarcos
- Erasme : Anthony Angelot, Mathieu Weiss
Suivi et liens
- Boulangerie Antoinette
- Métropole de Lyon, service alimentation : Sarah Mulberger
- Aurélien Boutaud : prospectiviste environnement