Description :
Une maquette représentant Lyon au 2ème siècle après JC accueille les visiteurs dans le musée. Dénuée de sens sans explication orale, elle est inaccessible pour un public non-expert. De plus, elle est même erronée scientifiquement, car depuis sa réalisation il y a 40 ans la connaissance scientifique du Lyon antique a évolué et démontre que certains éléments de cette maquette sont inexacts.
L’équipe qui a travaillé sur ce projet a voulu rendre plus compréhensible cette maquette autour de 4 objectifs :
- Mettre en lumière les grands monuments phares
- Actualiser la maquette en lien avec les nouvelles découvertes archéologiques
- Aider le public à faire le lien entre Lyon au 2ème siècle et aujourd’hui
- Introduire les grands thèmes qui rythment le parcours du musée
Le dispositif consiste en une vidéoprojection d’informations sur la maquette physique pilotés par une table tactile multiutilisateurs permettant de sélectionner de multiples critères.
- Maquette augmentée Lugdunum révèle toi
Retours
Le premier retour que l’on doit constater c’est que la complémentarité d’une table tactile et d’une projection vidéo sur une maquette en fait un dispositif marquant qui attire naturellement les publics. Ils comprennent rapidement ce qui leur est proposé et le retiennent comme un point marquant de leur passage.
Augmenter un objet en volume par de la projection présente plusieurs intérêts : l’objet physique par rapport à la représentation virtuelle dispose d’une valeur particulière, d’une unicité qui justifie le fait de s’être déplacé dans le Musée. L’objet physique bénéficie de tous les rapports naturels à l’espace (possibilité de tourner autour, de le désigner avec nos codes gestuels habituels). Mais la projection rajoute la flexibilité du numérique, c’est à dire des scénarii évolutifs.
« C’est vrai que j’aime bien me représenter les choses. J’adore la représentation en 3D, avoir l’impression d’y être vraiment, me rendre compte. Avec ce genre de dispositif, c’est tout à fait ça. On voit vraiment tel endroit ; la vie politique, c’était là. Ca me permet un petit peu de m’imaginer dedans. » (#18 – en couple, 30 ans, historienne, commercial, Nancy).
Par ailleurs, une interface multitouch de pilotage est adaptée à un usage multiutilisateurs et multicritères. Un écran tactile permet d’avoir un menu et une ergonomie qui évolue sans avoir à retoucher à l’objet physique, par exemple pour proposer de nouveaux choix de langues...
Toutefois, le choix d’une table tactile pour piloter le dispositif n’était pas idéal. Un pupitre aurait été plus approprié pour que le centre d’attention de ceux qui manipulent reste la maquette et non la table.
Il reste un important travail à faire sur l’interface si l’on souhaite pérenniser le dispositif : permettre de bien comprendre ce qui est sélectionné ou pas (pas simplement par un texte qui change de statut, mais par un signe visible de loin sans obliger à fixer son attention : un changement de couleur clair, retournement, vibration-animation.) Le sélecteur des menus (un cercle avec 4 parties) ne permettait pas de comprendre par sa forme que les choix étaient exclusifs : les 4 options étant accessibles de manière tactile, elles semblaient naturellement multitouch et donc à choix cumulatif (bâtiments actuels ET histoire de Lyon) ce qui n’était pas le cas au final.
Un code couleur devrait permettre de faire le lien entre ce qui s’affiche sur l’écran et sur la maquette. Actuellement, seule la personne à l’origine de l’interaction et qui a vu s’allumer la zone sur la maquette comprend le lien entre les éléments d’interface de la table et ce qui est projeté sur la maquette.
L’identification des bâtiments fonctionne bien, par contre le dessin de zones est moins évident. Par exemple, la projection ne permettait pas de comprendre visuellement que la maquette était fausse et qu’il aurait fallu enlever un bras de fleuve. Une projection animée, ou avec des textures sur une maquette moins colorée aurait sans doute levé ce problème, ou alors il faut prévoir une maquette dédiée à cette augmentation : entièrement blanche pour recevoir au mieux la projection.
On retient de ceci qu’il faut procéder par essais et erreurs, car le rendu va dépendre de l’objet sur lequel on projette, et trouver la bonne augmentation lumineuse demande des tests réels. Il est impératif d’intégrer un process itératif dans la conception d’un dispositif de ce genre.
La table multitouch n’échappe pas à la tendance zapping des enfants qui commencent toujours par interagir rapidement sur un grand nombre d’éléments d’interface afin d’évaluer et de jouer avec le dispositif tactile sans avoir au départ d’autre finalité. Ce fait est amplifié par la position de la table qui est trop haute pour eux et cache la maquette et l’effet de l’interaction. Leur première interaction débute toujours par la génération de désordre dans l’interface, il faut l’avoir pris en compte et proposer un système pour que cette interaction initiale ne perturbe pas définitivement l’utilisateur mais permette de faire émerger un sens. En revanche, l’aspect multiutilisateurs du dispositif autorise une négociation entre visiteurs et permet une médiation. On observe que des adultes vont interagir en même temps que les enfants et faire naturellement une médiation.
La table multitouch reste encore pour l’instant un facteur attractif d’engagement du visiteur. Sauf peut être pour le visiteur âgé, non accompagné d’un membre de famille plus jeune, qui craint de se mettre en difficulté et n’osera pas interagir laissant le dispositif à plus « compétent » que lui. Ce public se rassure quand il a pu observer et comprendre une interaction par un tiers qui sert de modèle. Il faut probablement prévoir des cartels ou modes d’emplois qui expliquent de manière visuelle les gestes à faire (dans l’écran de veille par exemple).
Ce devrait être un dispositif qui évolue avec le temps et invite donc à revenir : le visiteur a eu une première expérience intéressante, il faut lui faire savoir qu’il pourra le retrouver avec un contenu enrichi lors d’une prochaine visite.
Ce dispositif est bien adapté à l’intervention d’un médiateur : il permet d’impliquer des groupes en délégant la manipulation à plusieurs personnes. Cela permet une médiation très vivante. On a pu observer que des médiateurs professionnels ou des médiateurs amateurs (personnes dans un groupe ayant un niveau de connaissance plus important) s’en sont naturellement emparés.
Intérêt pour les 15-25 ans :
Ce type de dispositif véhicule une image associée au plaisir de l’interaction tactile numérique qui est très forte actuellement (l’achat d’une tablette est le cadeau de Noël le plus espéré dans un sondage récent). Attention toutefois à la qualité ergonomique et graphique : l’expérience tactile doit être agréable (temps de latence court), esthétique et ludique.
Attention aussi, à ce que l’interaction ne soit pas gadget ni gratuite mais aboutisse à découvrir ou comprendre quelque chose. Car dans le cas contraire, le visiteur sera vacciné et ne portera ensuite pas plus d’intérêt aux propositions tactiles qu’il n’en porte déjà aux bornes d’orientation dans les centres commerciaux. Le fait de lier un dispositif tactile à un objet d’exposition augmente considérablement la valeur de l’écran tactile et le sort de sa banalité.
« J’ai commencé à bidouiller, à regarder. la table numérique, c’est un outil qui est malléable, avec tout ce qui est, par exemple Smartphone. Après, c’est vrai que ça m’a amusé, parce que j’ai pensé au film Minority Report, le fait de pouvoir faire exactement ce que l’on voulait, c’est à dire tourner les formes, les déplacer, les réduire, les organiser exactement comme on le voulait, en fait. On était complètement libre de les bouger. (...) Le fonctionnement, comment étaient réparties les choses sur Lyon. L’importance de la colline de Fourvière. » (#26 - F, 26 ans, seule, communicante, Lyon)
Intérêt pour la culture scientifique et technique :
Le même système d’augmentation par projection peut s’imaginer sur des sujets de culture scientifique et technique : objets techniques, instruments de mesure, reproductions ou maquettes. La seule contrainte est d’avoir des surfaces avec peu d’ombre et suffisamment claires pour renvoyer la lumière et non brillants (il sera difficile de projeter sur un moteur en acier ou peint en noir).